
« La femme de Feng Zhengjie est l’allégorie de la métamorphose qui gagne la Chine toute entière et des bouleversements économiques, sociaux, individuels qui transforment la société. »
Feng Zhengjie, couramment appelé par son seul prénom Feng, est un artiste chinois, né en 1968. Après des études à l’Académie du Sichuan Fine Art entre 1988 et 1995, l’artiste place en opposition à la fois le réalisme socialiste et l’art académique occidental qui dominent la scène artistique chinoise. A partir de 1989, Feng oriente sa réflexion vers les nouveaux enjeux auxquels sont confrontés la Chine, qui reste ancrée au plus près de ses traditions ancestrales, tout comme se trouve entraînée par la mondialisation et une société consumériste galopante. Il explore ainsi les contradictions et les ambivalences de cette fusion, en donnant forme à des images ambiguës.
Son style est la jonction entre un pop art américain, où l’artiste s’inspire milieu de la publicité, de la mode et de ses égéries imperméables au temps, avec une peinture lisse aux formats démesurés, tout en puisant d’autre part dans certains codes du dessin folklorique chinois traditionnel, particulièrement le « Mian Zhu Nian Hua » au style exotique et coloré. Toutes ces caractéristiques incarnent pour Feng les deux cultures orientales et occidentales qui tiraillent la Chine contemporaine.
Si son travail peut paraître critique envers la société de consommation, il est en réalité plus modéré et cherche à représenter des antipodes et une mutation à l’oeuvre. Ainsi, dans la série de peintures Chinese portrait, parfois appelée Portraits of China, il dépeint des visages de femmes adoptant une pose sensuelle, aux lèvres pulpeuses toujours d’un rouge éclatant, en véritables égéries. Glorification ou satyre des standards de beauté féminine ? Car quelque chose dérange. Les couleurs acidulées, de rose et de vert vifs, sont grinçantes, tandis que les pupilles de leurs yeux sont déviées, orientées chacune vers un côté opposé de leur visage, chacune vers une culture différente. Ces étranges regards sont devenus la signature de Feng. Ce dernier précise que « la société d’aujourd’hui se développe si rapidement dans tous ses aspects et, suivant ce développement, se traduisent plus de tentations. »
Les yeux qui divergent sont-ils une critique de la société de consommation qui étourdit les esprits de désirs, ou une mise en lumière des nouvelles possibilités offertes par l’ouverture des cultures ? Les oeuvres de Feng sont ainsi une combinaison de codes esthétiques, correspondant au métissage culturel à l’oeuvre en Chine, créant des images équivoques, telles des oxymores visuels.